En cette période moins intense côté actu, Speed Action revient sur l’une des épreuves de référence sur la scène internationale des compétitions historiques : le Roger Albert Clark Rally ! Auquel la structure belge Vintage & Racing Services de François Destrée a pris part avec deux Ford Escort Mk2 que se partageaient William Reyntiens et André Leyh d’une part, Pascal Delporte et Jean-Louis Hottelet de l’autre.
A la manière du Tour de Corse Historique pour sa longueur, son parcours et le nombre d’engagés, de l’East African Safari Classic pour son côté extrême, mais aussi des Legend Boucles @ Bastogne pour ce mix asphalte/terre qui reste totalement atypique, le digne successeur du RAC Rally d’antan fait rêver. Plus que jamais...
En fait, quand nous avons échangé avec François Destrée au terme de l'épreuve, à la question ‘alors, c’était comment ?’, les réponses ont commencé à fuser. Elles permettent de comprendre pourquoi ces épreuves en dehors des normes sont plus que jamais des passages obligés. Morceaux choisis.
"Ce rallye est démesurément fou et follement démesuré, attaque François Destrée. C'est un monument à tous points de vue et tout passionné de rallye rêve certainement – parfois secrètement - d'y participer un jour. D'ailleurs, les inscriptions sont, lors de chaque édition, clôturées une demi-heure à peine après leur ouverture ! J'en profite pour rappeler que les notes et les vidéos sont fournies par l'organisation. Aucune reconnaissance n'est permise.
Parlons de ce RAC Rally. Avant toute chose, il y a le climat ! L'Angleterre n'est pas le pays où l'ensoleillement est le plus important, loin de là. En général, on s'attend, été comme hiver, à se faire rincer copieusement ! Placer ce rallye au mois de novembre assure donc aux concurrents d'être bien arrosés. Ces dernières années, le gel et la neige ont rendu le rallye encore plus difficile. Les spéciales verglacées, enneigées ou composées de tronçons où la terre était gelée, dure comme du béton, ont rendu l'adhérence quasiment nulle par endroits. Je dirais donc que le climat est le premier facteur qui rend ce rallye très difficile.
En plus de la qualité du sol, il y a le brouillard... Jamais deux fois le même, jamais deux fois au même endroit ! Avec les phares additionnels, il arrive comme un coup de projecteur dans les yeux du pilote. Il faut constamment jouer avec les phares, éteints, allumés, en partie allumés... Chaque sommet, chaque cuvette, chaque sous-bois et chaque virage devient alors un piège.
Le Roger Albert Clark Rally est, sur beaucoup de points, très différent du format actuel de épreuves qu'on connaît. Étendu sur cinq jours, là où la plupart des rallyes sont maintenant de deux jours, voire trois au maximum. Il faut donc tenir cette longueur ! En corrélation avec le climat et les journées courtes de fin d'année, certains roulent pratiquement 80% du rallye dans le noir ! C'est un challenge incroyable !
Les journées démarrent vers 8-9 heures, pour s'achever souvent vers 21-22 heures, voire plus tard... Elles sont intenses et soutenues. Les plannings sont très serrés pour les liaisons et réduisent parfois le temps de service des mécanos à peau de chagrin. Seulement le temps pour les équipages de manger, pour les mécanos de faire un check rapide, le plein d'essence, changer les pneus et ça repart !
Cette année, nos temps de services prévus de 1x +/- 30 minutes tous les jours se réduisaient souvent à 5, voire 10 minutes dans le meilleur des cas. Le gros du travail des mécanos se fait donc la nuit. Du matin au soir, ils courent de spéciale en spéciale, à l'affut d'une panne en espérant pouvoir la solutionner rapidement et permettre à l'équipage de continuer sa journée.
Pour imager la densité des journées par un exemple, un jour, les pilotes sont rentrés au service de ‘milieu de journée’ - le seul moment de répit relatif – vers… 16h30 ! Ils venaient de faire une boucle de 5 spéciales... qui avait pris 7 heures. Ils devaient repartir pour une deuxième boucle identique de 5 spéciales... qui devait prendre aussi 7 heures ! A ce moment-là, on mesure l'ampleur du challenge qui arrive. Il fait noir, ils repartent pour une deuxième journée de boulot...
Et c'est comme ça pendant 5 jours.
Ce qui nous amène au format. Le rallye démarre par deux jours autour de Carmarthen, au Pays de Galles, puis à la fin du deuxième jour de course, durant la nuit, l'ensemble du rallye se déplace jusqu'à Carlisle pour rouler trois jours dans le sud de l'Ecosse. A la fin du deuxième jour, qui ne se termine pas plus tôt que les autres, il faut faire le service des voitures, réparer les casses, charger le tout et rouler 400 kilomètres pour reprendre le lendemain. Cette année, nous avons mis la voiture à l'assistance à Carlisle à 4 heures du matin, nous n'étions pas les derniers !
Après avoir plutôt mis l'accent sur les difficultés majeures qu'on rencontre systématiquement sur le Roger Albert Clark Rally, j'aimerais mettre en avant ces magnifiques pays aux paysages somptueux remplis de charme à l'anglaise. Au fil du parcours, le spectacle évolue et les liaisons permettent de s'enregistrer de superbes souvenirs. Les forêts sont également un terrain de jeu alliant le plaisir d'une belle terre à une ambiance de carte postale. Ce pays rempli de ‘Britons’ a aussi cela pour lui. Les gens sont fabuleux ! L'organisation est composée de passionnés tous plus gentils les uns que les autres. Ils ont à cœur que tout se déroule bien pour tous les équipages. Colin, de directeur du rallye, est hyper accessible, prêt à mettre tout en œuvre pour qu'entre autres, les équipages étrangers puissent venir facilement (formalités douanières, réduction sur l'engagement, par ex.).
Les concurrents anglais sont accessibles et souvent les premiers à vouloir aider. En 2019, un concurrent a demandé vers 22h00 à un de ses amis qui n'était pas sur le rallye s’il pouvait apporter une pièce que je n'avais pas et qui était dans son atelier. Le gars était au fond de son lit mais il est venu me déposer la pièce, et tout ce qu'il m'a autorisé à lui offrir pour le remercier n'était pas de l'argent, mais une Stella ! Lunaire…
Quand on s'engage au Roger Albert Clark Rally, à travers les vidéos en ligne, on se doute clairement que ce sera fabuleux. Une fois que le rallye a démarré, on est en apnée pendant cinq jours, jusqu'à la délivrance du portique d'arrivée. Le lendemain, vidé, on n’y croit pas... On l'a fait, c'était simplement magique… »
Voilà, ces quelques mots sous forme de témoignage valaient bien une publication. Afin que chacun puisse comprendre que le sport automobile n’est pas formaté à 100%. Il reste des exceptions qui sont autant de bulles d’oxygène…. (Vincent Franssen avec François Destrée / Photos JMS Photos – Black Mountains Media – Facebook Vintage & Racing Services)