A l'échelle de la planète, un grain de sable. Un goutte dans l'océan. Un village gaulois au coeur de l'empire romain. Et au bout de cette saison sportive automobile 2024, la nation la plus titrée au monde ! Laurens Vanthoor en FIA WEC, Thierry Neuville et Martijn Wydaeghe en FIA WRC, deux championnats du monde sont tombés, en quelques semaines à peine, dans l'escarcelle de notre petite Belgique. Enorme ! Exceptionnel ! Fabuleux ! Inédit et peut-être unique dans l'histoire, même si on espère que non...
Depuis le milieu de la nuit de samedi à dimanche, l'euphorie est de mise. Mais une euphorie bien de chez nous. Les médias, même ceux dénigrant habituellement notre sport favori, ont titré sur Thierry Neuville, s'emmêlant parfois les pinceaux dans leurs explications. Ils sont pardonnés.
Les fans ont cru rêver et apercevoir la Vierge de Banneux au moment où l'image de l'habitacle du bolide fumant d'Ott Tänak a été diffusée. Ensuite, il y a eu les cris de joie, quelques larmes d'émotion, des grandes bières, et la plus belle des gueules de bois dimanche matin. La Belgique du sport auto a soufflé de soulagement, touchant à ce Graal convoité depuis tant d'années. On était heureux pour Thierry, pour Martijn, reconnaissant pour tous ceux qui les ont aidés à en arriver là, sur le toit du monde, à brandir le noir, le jaune et le rouge aux yeux de la planète entière. Une douce euphorie, une folle allégresse, une incroyable fierté.
Peu de temps après le titre mondial décroché par Laurens Vanthoor, sans oublier cet André Lotterer qui a sans doute inversé les couleurs par inadvertence, la Belgique a de nouveau été l'objet de toutes les attentions. Dans les commentaires lus et entendus ça et là, il est évident que ce titre de TNMW, il était souhaité. Espéré. Prié. Face à l'humeur glacée de Tänak, à l'outrecuidance d'Ogier, à la désinvolture de Rovanperä, le duo belge propose une gentillesse typiquement de chez nous. Sans la ramener. Sans en faire des tonnes. En se foutant du tiers comme du quart des attaques sous la ceinture, de la haine déversée par certains mauvais coucheurs sur ces réseaux nauséabonds qui pensent faire la pluie et le beau temps, mais ne sont que cloaques où se perdent des personnages de pacotille.
Ce lundi soir, Thierry Neuville et son fidèle écuyer font l'unanimité. Car ils sont parvenus, par leur jusqu'au-boutisme, leur simpllcité, leur 'belgitude', à réduire au silence une frange misérable de la population, d'ici ou d'ailleurs. Ces sourires, ces émotions, ces poings dressés, ces accolades, ces embrassades, ils étaient 100% vraies, authentiques, débordant d'émotions simples, d'une joie basique, mais qui fait tellement de bien.
Face à la puissance des uns, à l'arrogance des autres, face aux meilleurs éléments du monde entier, Laurens, Thierry et Martijn ont démontré qu'en Belgique, nous ne sommes peut-être pas des dizaines de millions, mais nous sommes tous tombés dedans quand nous étions hauts comme trois pommes, ou comme trois frites... Et plus d'une fois.
Sur cette planète sport auto qui nous tient tant à coeur, la Belgique est partout. Pilotes, copilotes, teams, instances, organisateurs, officiels, commentateurs (avec toute la modestie voulue), producteurs, cadreurs, journalistes, les diables rouges de la mécanique ont tout infiltré, tout envahi. Pour faire la loi ? Que non ! Pour faire le job, simplement, à la manière d'un Neuville et d'un Wydaeghe s'offrant le scratch dans la spéciale suivant celle de la délivrance. S'ils avaient signé le 10ème meilleur chrono, tout le monde aurait compris et aurait pardonné. Mais il y a avait l'honneur de l'employeur. Alors, après une émotion contenue, une accolade qui restera dans l'histoire, filmée depuis un habitacle, Thierry et Martijn ont remis le casque, repris volant et carnet de notes, et ils sont repartis au charbon. Libérés, délivrés, heureux, mais conscients que le taf n'était pas encore terminé. Qu'ils avaient encore quelque chose à aller chercher, pour combler de joie leur entourage.
Ce comportement, il est en fait typique de notre petit pays, de cette grande patrie, qui a pour habitude de donner le meilleur sans la ramener. En se disant qu'une fois le travail accompli, la victoire décrochée, l'exploit réalisé, il y aura toujours bien une fête pour relâcher la pression et célébrer. Un peu comme dans ce village d'irréductibles Gaulois, où tout se termine toujours autour d'un feu, une cruche à la main, en lorgnant vers ce fameux chaudron contenant la légendaire potion magique...
Là où d'aucuns entonnent 'Aux armes, citoyens', le Belge brandit un verre de bière, sourire béat aux lèvres. En se disant que les chances de parvenir à de tels résultats frisaient forcément la nullité, mais que les résultats sont quand même là. Dans notre petit pays qui est une grande nation, nous n'exhibons pas le chauvinisme de nos voisins du sud. Car propotionnellement, nous savons que les titres et les victoires décrochées dépassent l'entendement.
Laurens, Thierry, Martijn, merci - bedankt - danke ! Le noir, le jaune et le rouge vous vont comme un gant. Comme ils ont sied à ceux qui ont fait l'histoire des sports mécaniques, et qui venaient de ce petit territoire, de cette grande nation, de ce plat pays qui est le nôtre... (Vincent Franssen)